La bibliothèque idéale

La bibliothèque idéale de Christnoude Beauplan

Tous les jeudis, Marc Sony Ricot donne la parole à une personnalité au quotidien Le Nouvelliste : écrivains, poètes, universitaires, étudiants et professionnels du livre. Aujourd'hui il donne la parole à Christnoude Beauplan.

Marc Sony Ricot
Par Marc Sony Ricot
20 juin 2024 | Lecture : 5 min.

Mémorante en science juridique, Christnoude Beauplan est ambassadrice de C3 Éditions. Auteure, animatrice, elle collabore avec le podcast Des Fous et des dieux comme diseuse.

LN : Quel est le véritable rôle de la lecture selon vous ?

Christnoude Beauplan : Quand on veut mener une carrière d'écrivain, la première leçon qu'on apprend, c'est de bien lire et de lire beaucoup. Certains ont une méthodologie de lecture, d'autre pas. À mes débuts, je lisais tout ce que je trouvais. Ce fut intéressant pour moi de pouvoir lire à haute voix, que ce soit une lettre d'amour, une lettre d'adieu, un manuel scolaire, un livre de poche. J'ai commencé d'abord par caresser les mots en façonnant l'histoire avec le son de ma voix, puis, en corrigeant les histoires dont les fins ne me rendaient pas heureuse. C'est là que mon envie d'écrire ma propre histoire est apparue, et c'est la lecture l'élément déclencheur.

Selon vous pourquoi lire ?

 Lire a beaucoup d'avantages. Cela permet de se développer, d'accroître ses connaissances, de se détendre et se divertir, cela engendre une ouverture d'esprit, et par-dessus tout, nous entraîne à mieux nous concentrer. Pour pouvoir bien parler, il faut être sans arrêt au milieu des mots, car même quand on saute l'étape d'apprentissage de base en grammaire, en ayant l'habitude de lire, si on dit quelque chose qu'il ne faut pas, l'habitude de la lecture nous fera sentir l'anomalie dans nos phrases. Aussi, quand on s'identifie à une histoire lue, on devient mature, on recherche davantage. Pour moi la lecture est la meilleure pratique au monde.

LN :  Qu'est-ce qui vous donne envie de lire ?

Le pouvoir de manier les mots. Le pouvoir de juger sans crainte l'histoire, les personnages. De pouvoir m'identifier à ces différentes personnes inventées par un inconnu, pour la plupart, et de se dire qu'à travers ces quelques lignes je voyage dans le quotidien de cette personne. Quand ça fait mal, je pleure avec eux, quand c'est la joie, je me réjouis avec eux, et c'est une sensation qui n'a pas de prix. Le voyage que je fais à chaque bouquin est sensationnel.

LN : Quand vous lisez, que recherchez-vous dans un livre ?

La liberté inconditionnelle. Avant tout, un auteur incarne ses personnages. Oui, au bout du compte c'est de la fiction, pour la plupart, mais ce n'est pas sans équivoque. Mais, ce qui en ressort laisse vraiment à désirer. Après avoir regardé de fond en comble le style de l'auteur, c'est l'enchaînement des événements qui est le plus révélateur pour moi, et c'est cela qui compte.

LN : Quels sont les livres qui vous ont le plus marqué, disons mieux enrichi, depuis vos débuts en littérature ?

J'ai découvert assez tard les livres des auteurs haïtiens, mais lire Le sang et la mer de Gary Victor, Masi, du même auteur, À nous deux Manhattan, et Le roman de Laura, dont les noms des auteurs de ces deux livres m’échappent, qui ne sont pas Haïtiens. Je peux dire que ce sont ces livre-là qui m'ont grandement marqué. Le roman de Laura est le premier livre volumineux que j'ai pris le temps de lire. Une histoire très captivante, qui te donne envie de pleurer et de rire en même temps. Aussi, un dernier dont je me souviendrai toujours du nom, tellement j'ai été en colère, c'est Belle Catherine. Avec ce livre, j'ai compris le concept de déception amoureuse. C'est le premier livre que j'ai eu envie de déchirer après des heures de lecture.

LN : Il y a des lecteurs et lectrices qui lisent avec une bougie allumée, un air de jazz. Quel est votre rituel de lecture ?

Je n'ai pas de rituel de lecture. Tout dépend du livre; je m'y adapte. Ça m'arrive de lire avec de l'opéra, du compas, instrumental, évangélique. Quand c'est un livre intéressant et que j'ai vraiment envie de lire pour voir ce qui arrive à la fin, j'utilise la lumière de mon téléphone pour ne rester que dans mon petit monde, sans attirer l'attention des autres à la maison. Parfois je m'isole complètement pour jouir pleinement du voyage.

LN :  Racontez-nous vos plus beaux souvenirs avec les livres.

 J'en ai tellement que je n'arrive pas à tirer un seul du lot. Mais le plus intéressant, c'est qu'à chaque fois, je sors avec une satisfaction inespérée. Quand on m'offre un livre je le vois comme un trésor, et là, je lis encore et encore, comme si c'était la seule façon pour moi de montrer mon amour pour la personne qui a pris le soin de m'offrir ce monde. Et la façon dont je défie indirectement l'auteur en changeant la fin des histoires. C'est toujours d'un air hilarant. Aussi, je me souviens, en deuxième année de droit, quelques amis et moi avons eu à lire trois livres. Vous connaissez peut-être, car Netflix a produit des films 365 days. J'ai lu trois livres en moins de cinq jours. C'était un vrai challenge. À noter que les livres sont chacun doté de près de trois cents pages minimum. Et on a lu rapidement pour être parti dans la fameuse discussion sur la fin de l'histoire, ce qu'on a aimé, ce qu'on a détesté. En tout cas, pour ma part, à la fin de la lecture, je n'ai plus eu envie de regarder les autres films. Mais en vrai, ce qui était intéressant, c'est de voir notre doyen arriver en sursaut, voir ce qui se passe dans la classe pour enfin découvrir qu'on faisait tout ce bruit pour des livres qui n'ont pas du tout rapport avec notre cursus, mais qu'on faisait du bruit quand même pour une bonne chose.

 Quel est le roman qui vous a le plus aidée dans votre vie ?

 L'étranger d’Albert Camus.

LN : Pouvez-vous nous présenter votre bibliothèque ? Y a-t-il plus de poésie que de romans ? Quel rapport avez-vous avec votre bibliothèque ?

Ma bibliothèque est faite de livres de droit et de politique pour la plupart, de livres d'administration et de romans. Quelques poésies. Les romans comme Gary Victor, Franketienne, Louis Philippe Dalembert y sont très présents.

Ma bibliothèque est mon endroit préféré. Mes livres de lecture, autres que les livres de droit, me sont pour la plupart offerts à l'occasion de mon anniversaire. C'est toujours un plaisir pour moi de bien les ranger, de les lire encore et encore, et de caresser l'espoir de lire ceux dont je n'ai pas encore eu le plaisir de lire, mais les regarder me satisfait déjà bien.

Si vous alliez sur une île déserte er aviez le choix d'y apporter un livre, lequel emporteriez-vous ?

La divine adoratrice de Christian Jacq. Et même si on me dit que j'ai seulement droit à un livre, je ferai également en sorte d'emporter avec moi Adriana dans tous mes rêves de René Depestre.