En 1898, Guillaume Chéraquit entreprend pour la troisième fois de lancer un quotidien de renseignements et d'annonces à Port-au-Prince. Il fonde "Le Matin" qui devient quinze mois plus tard "Le Nouvelliste".
Le premier numéro de "Le Matin" l’ancêtre de "Le Nouvelliste", paraît le 2 mai 1898. Chéraquit confie l'impression de "Le Matin" aux presses de son ami Henri Chauvet, député de Port-au-Prince et homme de lettres.
Chauvet collabore à de nombreux titres éphémères comme il en existe des dizaines en Haïti. En 1885 on le retrouve dans les colonnes de La Bande Joyeuse, en 1890 à Le Zinglin et en 1894 à l'Echo d'Haïti.
Certes, ce n'est pas la première fois que le pays voit naître un nouveau journal, mais Chéraquit et Chauvet viennent, sans le savoir, de donner naissance à une belle aventure qui marque de nos jours encore la presse haïtienne.
On retrouve le siège social de "Le Matin" au 19 de la rue Bonne Foi. Ignotus, un pseudonyme mystérieux, porte "Le Matin" au bout de sa plume prolifique et enthousiaste.
Les choses ne se passent pas comme prévu, le 29 avril 1899, Guillaume Chéraquit prend la douloureuse décision de suspendre la parution du journal. Arrêt temporaire, espère-t-il.
L'un des grands annonceurs du journal, grand négociant de la place, Louis Boutin, montre de l'intérêt pour le maintien du journal. Le grand importateur de vin et des pommes de terre achète le journal.
Le nouveau directeur s'adjoint le brillant poète Oswald Durand, l’auteur de l’immortel poème Choucoune, comme rédacteur en chef. Remarquable mariage qui voit le journal changer de nom, Le Matin devient Le Nouvelliste dont le premier numéro paraît le mardi 1er août 1899.
L'équipe reste la même avec Niloup comme administrateur.
Le 28 août 1899, Guillaume Chéraquit devient le directeur-propriétaire. L'ex-député Henri Chauvet occupe le poste de rédacteur en chef.
En 1909, Chauvet change de statut et devient associé. Paul Fortuné Andréoli est nommé administrateur.
L’imprimeur Henri Chauvet, bon vivant et dramaturge, achète plus tard "Le Nouvelliste" au nom de son fils Ernest Georges Chauvet. C'est le début de l'ère Chauvet.
Au fur et à mesure, Le Nouvelliste s’installe dans les habitudes des lecteurs, change de siècle avec le pays, accompagne les célébrations du Centenaire de l’Indépendance, assiste aux convulsions politiques, vit la débâcle de l’occupation américaine et nos turpitudes diverses.
Le 11 janvier 1919, Henri Chauvet laisse la direction du journal et la procuration de son imprimerie à son fils Ernest Georges Chauvet. Ernest Georges Chauvet, ancien étudiant en journalisme aux États-Unis d'Amérique (USA) du Brooklyn Darley Eagle est directeur-rédacteur en chef. Les deux fonctions, pour des raisons propres à l'époque, sont cumulées.
En 1920, un conseil exécutif est composé pour diriger le journal. En font partie Ernest Georges Chauvet, Frédéric Duvigneaud et le poète Léon Laleau, ancien rédacteur en chef de "Le Matin", journal qui a repris le nom initial du Nouvelliste.
Chauvet, Duvigneaud, Laleau, sont des figures illustres et laborieuses du milieu intellectuel. Des monstres sacrés qui font de la politique et du journalisme. À l’époque, on cumule, sans complexe, les métiers de la plume et un poste au gouvernement. Des fois, on se dirige vers l’écrit dans l’attente d’un poste ou pour obtenir un poste.
Léon Laleau, appelé à une carrière dans la haute diplomatie, doit vite abandonner le triumvirat.
Chauvet et Duvigneaud continuent à mener la barque de l’information quotidienne.
En 1937, Ernest Georges Chauvet est nommé ministre d'Haïti à Londres et Frédéric Duvigneaud, secrétaire d'État de l'Intérieur.
Max Duval et Kléber Georges Jacob, un ethnologue et un homme de lettres averti, sont respectivement rédacteur en chef et administrateur pour continuer l’aventure.
En 1942, Ernest Georges Chauvet reprend son poste de directeur-propriétaire, Pierre Chauvet est administrateur et Louis Garoute, rédacteur en chef. Ce dernier va laisser la place à Michel Roumain.
Le Nouvelliste est un creuset de talents confirmés et de compétences, Pierre Chauvet, secrétaire d'État aux Finances, s'entoure d'une brillante équipe de collaborateurs: Etienne Charlier, Max D. Sam, Jacques Roumain, Louis Garoute, Michel Roumain, Lucien Montas.
En 1943, c'est le tandem Chauvet-Désinor qui prend la barre. La tradition presse et politique continue. Marceau Désinor, futur sénateur de la République, montre son attachement viscéral au journal et l’aide à passer les soubresauts de la révolution de 1946 avec sobriété et sérieux.
L'équipe des collaborateurs est solide et dynamique: H. Carré, Max Charlmers, Jules Blanchet, Gérard Philippeaux, Fernand Leroy. Des textes profonds, vifs, minutieux, fleurissent dans les larges pages du quotidien.
En 1952, brillant, bourré d'expérience, réputé pour son sens du travail bien fait et sa discrétion légendaire, Lucien Montas, directeur au ministère des Affaires Etrangères, est nommé rédacteur en chef.
En 1953, Léon Laleau de Haïti-Journal revient comme directeur du quotidien avec le sympathique Max Chauvet père.
En 1958, féroce dans l'adversité et cinglant dans l'ironie, Ernest Georges Chauvet meurt dans un hôpital de New York.
Directeur-Administrateur jusqu’en 1969, Max Chauvet meurt le 7 août 1969.
À sa mort, rédacteur en chef depuis près de vingt ans, Lucien Montas est nommé directeur-rédacteur en chef, pour maintenir la flamme de ce grand rêve, en ces temps terribles du règne du Docteur François Duvalier, Papa Doc.
La veuve de Max Chauvet, Jeanine Théard Chauvet, est nommée administratrice. C'est l'époque des Aubelin Jolicoeur, Laurore Saint-Just, Gerson Alexis, Gérard Jolibois, Antoine L. Jean. La liberté de la presse recule, le temps des audaces et de l’opposition se termine, mais le journal conserve ses lecteurs en les informant de son mieux. Un adjectif par-là, une ponctuation par-ci, le ton est donné.
Avec un esprit et une rigueur exceptionnelle, Jeanine Chauvet, administratrice de Le Nouvelliste, passe la main à son fils, Max E. Chauvet revenu de l'étranger où il a étudié.
En 1983, Le Nouvelliste change de look. Finis les grandes feuilles, le format tabloïd est plus économique et une nouvelle pagination se met en place. Une salle de nouvelle fonctionnelle prend corps véritablement au niveau du journal. Carlo Désinor, Yves Jean-Bart, Frantz Bataille, Pierre-Robert Auguste, Wébert Lahens, Alix Carré, Fritz Deshommes, Pierre-Raymond Dumas, Roger Milscent, Gary Victor, Raphaël Féquière et d’autres animent le journal.
Les connaissances en gestion de Max E. Chauvet et ses qualités personnelles en font le gérant responsable idéal dans ces années qui annoncent la fin du règne de Baby Doc, Jean-Claude Duvalier.
La paire Lucien Montas-Max E. Chauvet (la sagesse et la jeunesse) fonctionne à merveille. Clarence Pierre Pierre, illustre collaborateur, tient ferme l’administration.
2 janvier 1993, homme de mesure et de rectitude, Lucien Montas meurt d’une crise cardiaque dans son fauteuil devant son téléviseur. Discrètement, comme il a vécu, c'est-à-dire sans déranger personne, il s’en va.
L'héritage est énorme. Les défis des temps post-macoutes, du coup d’État militaire et de l’embargo commercial que subissent le pays, aussi.
Le style Max E. Chauvet s'approfondit de manière souveraine en ces temps durs. Max E. Chauvet continue d’apporter des changements fondamentaux dans la structure technique du journal et y introduit, pour la première fois dans l’histoire centenaire de la publication, l’impératif de la rentabilité.
Signe des temps, une régie publicitaire, ayant à sa tête Yolette Jacques, donne le ton de la pagination. Les journalistes, de plus en plus des professionnels, ne mêlent plus, systématiquement, politique et presse.
"Le Nouvelliste" de Max E. Chauvet-Carlo A. Désinor surgit alors: une manière d'être et de concevoir très moderne. De nombreux journalistes au talent sûr intègrent la salle des nouvelles en compagnie d'un personnel ancien, mais valeureux. Le challenge est grand. Anaïse Chavenet, Pierre Manigat Jr, Gary Bélizaire, Gaillot Joseph, Rodney St-Eloi, Evens Dubois, Jean-Robert Fleury, Frantz Duval, Daly Valet, Dominique Batraville, Henry Alphonse sont de l’ours du plus ancien organe de presse du pays.
Les fêtes du centenaire du quotidien le retrouvent aux numéros 198-200 de la rue du Centre. Le journal a déménagé depuis des dizaines d’années de la rue Bonne Foi. L’équipe est enthousiaste et les projets nombreux. Les premières expériences d’utilisation de la couleur dans le journal sont tentées après une modernisation significative des presses. Des suppléments fleurissent, Livre en folie, la première foire consacrée aux livres haïtiens est devenue un rendez-vous annuel au succès grandissant.
A la mort prématurée du Dr Carlo Désinor en 2000, Le Nouvelliste de Max E. Chauvet-Pierre Manigat Junior émerge et mise sur des rédacteurs qui renouvellent l’équipe. Serge Philippe Pierre, Guyler C. Delva, Claude Gilles, Samuel Baucicaut, Hugo Merveille, Edwoune Désulmé, Johnny César, Jobnel Pierre, Roland Léonard, Robenson Bernard en font partie. Cette équipe apporte du sang neuf au journal et fouille avec un rare enthousiasme la réalité mouvante de la presse écrite.
En 2002, Frantz Duval prend la tête d’une direction Création et Interactivité et Jean Max Chauvet, celle du Marketing. Le Nouvelliste développe de nouvelles actions vers des segments de lecteurs ignorés jusqu’alors. TICKET, un hebdomadaire consacré aux artistes naît. Musique en folie, foire dédiée à la musique se tient à son initiative chaque année. Si Tout Terrain (journal sportif) et Le P’tit Nouvelliste (supplément jeunesse) sont en hibernation, l’ambition de continuer à élargir le lectorat est intacte.
2006, l’aventure Internet sur www.lenouvelliste.com ouvre le monde au plus ancien quotidien d’Haïti.