Quelles perspectives pour la prochaine année fiscale ?

Mercredi 18 septembre 2024, dans les nouveaux locaux de Delmas de la Banque de la République d’Haïti, la ministre de l’Economie et des Finances, Ketleen Florestal, et le gouverneur de la banque centrale, Ronald Gabriel, ont rencontré la presse dans le cadre de la traditionnelle conférence de presse de fin d’année fiscale.

Mercredi 18 septembre 2024, dans les nouveaux locaux de Delmas de la Banque de la République d’Haïti, la ministre de l’Economie et des Finances, Ketleen Florestal, et le gouverneur de la banque centrale, Ronald Gabriel, ont rencontré la presse dans le cadre de la traditionnelle conférence de presse de fin d’année fiscale.

En absence d’inquiétudes sur la stabilité de la gourde face au dollar américain, alors qu’il n’y a pas grand chose à dire sur comment mater l’inflation dopée principalement par les coûts induits par la situation sécuritaire dégradée, les autorités n’ont pas fait de grandes annonces.

La ministre des Finances n’a pas dévoilé l’enveloppe du prochain budget ni de mesures spectaculaires pour la prochaine année fiscale.

Il va falloir attendre.

Si de son côté le gouverneur a parlé de modifications prochaines dans la circulaire qui régit le paiement des transferts reçus de l’étranger, principale source de revenus pour des millions de compatriotes, il n’a pas dévoilé les intentions des autorités sur le moratoire sur le crédit bancaire qui expire le 30 septembre prochain.

Il faudra attendre.

Cela n’empêche que le gouverneur a égrené une série de mauvaises nouvelles qui donne un petit aperçu de la situation de l’économie haïtienne.

Les informations du premier banquier du pays ne concernent que la partie formelle de l’économie et les secteurs sous observation de la BRH.

Quand on sait que le secteur informel est le premier employeur du pays et que personne n’a de statistiques fiables pour permettre de l’évaluer, on peut craindre le pire sur l’ampleur réelle de l’impact des 6 années consécutives de croissance économique négative et de troubles à l’ordre public.

Selon le gouverneur Gabriel, « 59 succursales bancaires ont été vandalisées, pillées ou incendiées », rendant ces institutions inopérantes.

En dépit de 117 moratoires accordés par la banque centrale à ce jour, de nombreux prêts restent impayés. D’après les chiffres communiqués par le gouverneur, « 447 prêts sont actuellement en difficulté dans le système bancaire, représentant près de 122 milliards de gourdes, dont 78 % concernent le secteur commercial.

En ce qui concerne les entreprises opérant dans le système, « 307 sont en difficulté de remboursement, et 174 sont en situation de dysfonctionnement, bien qu’elles n’aient pas été vandalisées ou fermées », a révélé le numéro un de la banque centrale.

Par ailleurs, les institutions de microfinance ne sont pas épargnées. En effet, près de 17 000 micro-prêts sont en difficulté.

De plus, 969 petites et moyennes entreprises sont également en situation de dysfonctionnement dans diverses catégories.

On ne parle que de la partie formelle de l’économie, la plus petite part, celle placée sous la supervision de la Banque de la République d’Haïti.

Depuis la pandémie de COVID-19, l’octroi de moratoire sur le crédit bancaire est le principal instrument utilisé par les autorités pour aider les entreprises. Le gouverneur lui-même reconnaît que ce n’est pas une solution curative.

Va-t-on passer à autre chose ?

Rien n’a été dit ni promis, lors de la conférence de presse de mercredi.

Si les envois de la diaspora ont augmenté de plus de 12 % en une année et que les importations formelles (hors contrebande) ont diminué, le gouverneur a reconnu que l’inflation a plus de 30% est un coût très lourd.

Pour l’année qui vient, à écouter les deux plus hauts responsables de la politique fiscale et monétaire, de l’exécution du budget et le banquier de l’Etat, sous réserve d’une amélioration radicale de la situation sécuritaire, il n’y aura pas de miracle.

Une semaine avant les autorités haïtiennes, à Washington, c’est la secrétaire adjoint au Trésor des États-Unis pour les marchés internationaux, Alexia Latortue, (fille de l’ancien premier ministre Gérard Latortue) qui avait souligné que « l’espoir aveugle n’est pas une stratégie » comme pour appeler les responsables haïtiens à être plus réalistes et plus proactifs dans un pays qui a perdu le sens de l’urgence et de ses priorités.

Dans un portrait sans fard de la situation haïtienne, Mme Latortue a dit devant une assistance intéressée à Haïti mais en absence des autorités haïtiennes : « Les perspectives macroéconomiques d'Haïti restent sombres en raison d'une situation sécuritaire désastreuse, d'une mauvaise gouvernance et d'une grave crise humanitaire. Le PIB s'est contracté pour la cinquième année consécutive en 2023 et le FMI prévoit une nouvelle contraction de 3 % cette année », a indiqué Alexia Latortue, secrétaire adjointe au Trésor des États-Unis pour les marchés internationaux.

« Haïti n'est pas étranger à l'instabilité, due en grande partie à la corruption profonde, au manque de sécurité des citoyens, à l'insuffisance des investissements et de la création d'emplois, et à l'incapacité des institutions à fournir une assistance sociale aux citoyens haïtiens. Cette instabilité réduit les perspectives de croissance et entraîne une émigration et des déplacements internes importants », a campé Alexia Latortue.

Faut-il avoir des inquiétudes pour l’avenir ? Oui. La première est alimentée par l’incapacité des responsables et amis d’Haiti à bien évaluer le gouffre et par la crainte de les voir continuer à essayer des solutions inadaptées aux vrais problèmes.