1% du PIB pour renforcer le système éducatif haïtien

Seulement 1,1% du PIB est alloué à l’éducation haïtienne. Ce qui démontre la faiblesse de l’investissement public dans le système éducatif. Dans une rencontre initiée par la Banque interaméricaine de développement (BID) dénommée Les mercredis de la réflexion, tenue le 21 février 2024, divers panélistes se sont penchés sur la thématique « Comment renforcer le système éducatif pour un avenir durable ». Cette rencontre, animée par le professeur Kesner Pharel, a reçu plusieurs intervenants, dont le ministre de l’Éducation nationale et de la Formation professionnelle, Nesmy Manigat, le directeur du Fonds National de l’Éducation (FNE), Jean Ronald Joseph, et différents directeurs d’écoles privées.

Le budget de l’éducation en Haïti représente 1,1% du PIB, a révélé d’emblée la spécialiste sénior en éducation Marie Evane Tamagnan pour contextualiser la thématique du jour. Pourcentage nettement inférieur à la moyenne qui est de 4,3%, mentionne-t-elle au cours de sa présentation. Une telle donnée témoigne du peu d'intérêt accordé à l'éducation par l'État haïtien. Aussi, répondre aux besoins des écoles, voire à la qualité de l'enseignement semble être une mission impossible pour les responsables. 

Pour changer la donne, le Ministère de l’Éducation nationale et de la Formation professionnelle (MENFP) bénéficie du support de diverses organisations comme la BID, l’UNESCO. Fort de cet appui, le ministre Nesmy Manigat prône une réforme prioritaire curriculaire avec des exigences comme l’éducation inclusive, l’innovation, le rôle des parents et des communautés et le choix du multilinguisme fonctionnel et ouvert. Pour passer de la parole aux actes, le titulaire du MENFP a annoncé son intention de passer bientôt au numérique en ce qui a trait à l’inscription des écoles et des élèves au sein du ministère.

Les projets ne manquent pas, aux dires du ministre Manigat, qui a mis en évidence l’augmentation de la quantité et de la qualité des dépenses publiques liées à l’éducation parmi les facteurs clés garantissant le succès.

Pour sa part, le directeur général du Fonds National de l'Éducation (FNE), Jean Ronald Joseph, s'est référé à la Constitution de 1987 pour mettre en relief la responsabilité du pouvoir public face à l'éducation. Selon lui,  la Constitution de 1987 stipule  « l’éducation est à la charge de l’État et des collectivités territoriales. Ils doivent mettre l’école gratuitement à la portée de tous, veiller au niveau de formation des enseignants des secteurs publics et non publics ».

De plus, suivant l’article 32.3 de ladite Constitution, l’enseignement fondamental est obligatoire. Cependant, l’éducation en Haïti demeure un luxe que plusieurs parents, compte tenu de la situation du pays, ne peuvent s’offrir. Avec 80% des institutions scolaires privées sur tout le territoire national, le nombre d’écoles publiques reste insuffisant pour accueillir la grande majorité. 

La pénurie de professeurs qualifiés et compétents est telle que même avec le matériel adéquat dans certaines institutions les élèves ne peuvent comprendre les cours. En effet, la représentante des institutions des sœurs de la Sagesse évoque, lors de la réunion, un cas où un professeur de chimie a été incapable d'utiliser le laboratoire dans le cadre de son cours et qu’il a fallu chercher un autre professeur.

Ce témoignage de la représentante des sœurs de la Sagesse semble avoir été corroboré par le directeur général du FNE qui, au cours de sa présentation, a fait état d'un rapport de la PNE/PEE publié en 2017. Selon ce rapport, « 85% des enseignants haïtiens n’ont reçu aucune formation professionnelle et 30% possèdent un niveau inférieur à la neuvième année fondamentale ».

Entre les ressources très limitées et les besoins illimités de la population, que faire ?

C’est le directeur du collège Catts Pressoir, Charles Guy Etienne, présent lui aussi à la réunion, qui a tenté de répondre à cette question en soulignant: « Les familles haïtiennes sont trop pauvres pour supporter une très longue année d’études de 13 ans ou plus ». Une idée que partage également le ministre Nesmy Manigat qui informe que seulement 10% des étudiants ont bouclé le cycle secondaire et seulement 10% ont parachevé leur cycle professionnel avec des certifications reconnues. Un tel panorama montre non seulement le manque d’accès aux infrastructures scolaires dans les milieux reculés, mais également l’incapacité de plusieurs familles de soutenir leurs progénitures.

Face à un tel constat, le directeur du collège Catts Pressoir préconise que les écoles deviennent des pépinières du développement économique régional. « Dans les zones côtières, on pourrait privilégier des écoles de pêche et de gestion de l’environnement », conseille-t-il à titre d’exemple. De plus, ces écoles professionnelles évolutives incubateurs de projets de développement régional seraient des lieux de conciliation de l’éducation et la stabilité socio-économique, car 80% des diplômés reconnus sont à l’extérieur, une fuite massive des diplômés depuis des décennies, d’après le MENFP. 

Entre la réinvention des enseignants face aux robots conversationnels comme le ChatGPT utilisé par les élèves, le manque de matériels adéquats pour les cours comme l’informatique ou la chimie, la pénurie d’infrastructures scolaires et l’absence de la technologie dans certains milieux ruraux, il devient un impératif pour le gouvernement de repenser l’allocation dédiée au système éducatif haïtien si l’on veut un changement, aussi insignifiant soit-il.