En 2010, une réforme constitutionnelle mettant un terme à l’octroi automatique de la nationalité aux personnes nées en République dominicaine et dont les parents sont en situation irrégulière est entrée en vigueur. Cette décision a privé des milliers de personnes dominicaines d’ascendance haïtienne de leur nationalité, les laissant apatrides. En effet, après cette décision, les autorités administratives ont procédé à l’annulation massive d’actes de naissance et de documents d’identité.
« Dix ans après cette décision absolument rétrograde, les autorités dominicaines n’ont pris presque aucune mesure pour remédier à ses effets néfastes et reconnaître les droits des milliers de personnes touchées. Les autorités n’ont pas démantelé le système de racisme structurel ni la politique de déchéance de nationalité imposée aux personnes dominicaines d’ascendance haïtienne », s’est plaint Ana Piquer, directrice pour les Amériques à Amnesty International.
Amnesty International regrette que la République dominicaine continue d’imposer cette politique bafouant le droit à la nationalité des personnes d’ascendance haïtienne. L’État a eu recours à un discours stigmatisant, des pratiques administratives, des modifications juridiques, des décisions de justice et la force publique pour persécuter, décourager et expulser des personnes haïtiennes et des personnes dominicaines d’ascendance haïtienne, déplore l’organisation.
« La décision de 2013 n’a été qu’une mesure de discrimination à caractère raciste de plus. L’État dominicain a continué d’imposer des procédures d’exclusion fondées sur l’origine ethnique et sur l’ascendance réelle ou perçue », a déclaré Ana Piquer.
N’ayant pas d’autre nationalité, la majorité des personnes concernées par cette décision sont une situation qui les met en danger et les prive de certains droits, comme le droit à l’éducation, à la santé et au travail. D’autres obstacles s’opposent par ailleurs à la reconnaissance des droits des personnes nées en République dominicaine, notamment des restrictions arbitraires de leurs droits à la personnalité juridique, à un nom et à une nationalité et à une vie libre de toute discrimination, ce qui a des conséquences profondes pour leur vie, pour leur famille et pour l’ensemble de cette population.
« Priver des personnes d’un droit aussi fondamental que le droit à nationalité revient à se rendre complice de l’exploitation sexuelle, de l’exploitation par le travail, de la traite des êtres humains et des trafics illégaux, bafouant ainsi les libertés personnelles et alimentant l’extrême pauvreté nationale », a indiqué Maria Bizenny Martinez, coordinatrice du département de droits humains du Mouvement socio-culturel pour les travailleurs haïtiens (MOSCTHA).
Amnesty International appelle de nouveau l’État dominicain à rétablir la nationalité dominicaine de toutes les personnes nées en République dominicaine avant le 26 janvier 2010, indépendamment de la situation de leurs parents au regard de la législation en matière d’immigration, et à prendre toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce qu’aucune personne née dans le pays ne se retrouve apatride. Enfin, les autorités doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre fin au racisme structurel et institutionnel, qui touche de manière disproportionnée les personnes d’origine haïtienne.
La réforme constitutionnelle dominicaine a été interprétée par la décision 168-13. La décision du Tribunal constitutionnel a été sévèrement critiquée par des militant·e·s et organisations de défense des droits humains de République dominicaine, par la communauté internationale et par des organes de défense des droits humains. En 2014, la cour interaméricaine des droits de l’homme a conclu que la décision bafouait les obligations de la République dominicaine au titre de la Convention américaine relative aux droits de l’homme et qu’elle devait être déclarée sans effet juridique.