Les rumeurs, selon l’étude, peuvent être le point de départ de la mésinformation à l’échelle d’un écosystème quand elles se propagent vite dans ses différents canaux. « Ce que nous considérons comme rumeur peut être vrai ou faux car c’est une nouvelle dont la vérité n’est pas établie, précise l’étude. Son caractère douteux fait qu’on doit s’abstenir de la diffuser car son impact peut être très néfaste pour les individus et le corps social. » Plus il y a de rumeurs, ajoutent les auteurs de l’étude, plus le niveau de confiance peut baisser entre les consommateurs et les producteurs d’information.
Dans l’écosystème d’information haïtien, confirme l’étude, les rumeurs existent et elles inquiètent, ajoutant : « Une forte présence de rumeurs peut porter atteinte à l’écosystème d’information et un manque d’appréciation de la propagation des rumeurs peut également l’affecter ».
Dans le cas de l’épidémie de choléra en Haïti, l’étude Panos Caraïbes/Internews fait ressortir que les rumeurs et la mésinformation n’aident pas dans la lutte contre la maladie. Parmi les rumeurs les plus courantes sur l’épidémie, l’étude relève des affirmations dangereuses qui indiquent la méconnaissance du choléra, la forte présence de la croyance vodou et l’impact du manque de confiance entre les gouvernants et les gouvernés.
« Les gens peuvent attraper le choléra lors des rapports sexuels ; le choléra n'existe pas dans tous les cas ; il existe aussi des expéditions sous forme de choléra ; le choléra est une maladie mystique ; le choléra ne tue pas ; le choléra est de la politique », sont quelques-unes des rumeurs sur le choléra relevées dans le cadre de l’étude. « Ces exemples sont un indicateur de la présence de rumeurs dangereuses et néfastes sur l’épidémie de choléra dans l’écosystème d’information. Nous n’avons certes pas mesuré leur prévalence dans tout l’écosystème avec cette étude, mais si elles se propagent, elles peuvent aggraver ce problème de santé publique qui a fait plus de 10 000 morts entre 2010 et 2019 », indique l’étude.
La forte présence de rumeurs dans l’écosystème, poursuit l’étude, est aussi liée à la propagation de mésinformation. Parallèlement, ajoute-t-elle, il faut pouvoir identifier les fausses nouvelles ou des informations erronées pour pouvoir freiner la propagation des rumeurs. L'enquête a voulu mesurer la fréquence à laquelle les personnes interrogées étaient sûres de pouvoir distinguer une information juste d’une information erronée. « Seulement 8,2 % des répondants étaient sûrs de ‘’toujours’’ pouvoir distinguer une information juste d’une fausse. 55,6 % des personnes interrogées étaient sûres de ‘’parfois’’ pouvoir faire la différence entre une information juste et une information fausse. 9,4 % étaient sûrs de ne ‘’pas du tout’’ pouvoir faire cette différence », note le rapport de recherche. « Ces données indiquent que le terrain est fertile pour la multiplication des rumeurs et la propagation de fausses informations », déduisent les auteurs de l’étude.
L’étude note que le niveau de confiance entre les gouvernants et les gouvernés en Haïti n’a jamais été aussi bas depuis ces dix dernières années. Le manque de services publics et l’état des institutions en sont les causes. Pour 21,6 % des personnes interrogées, le MSPP a déclaré la résurgence du choléra en Haïti afin de détourner l’attention de la population des vrais problèmes auxquels fait face le pays et 17 % des personnes interrogées pensent que le choléra est de la politique utilisée pour détourner l’attention de la population.
19.9% des personnes interrogées dans le cadre de l'enquête quantitative croient que la résurgence du choléra est un complot ourdi par l’Organisation des Nations unies (ONU), de concert avec le gouvernement haïtien, afin de contenir des mouvements de foule qui pourraient émerger spontanément à travers le pays. 17,5 % des personnes interrogées sont assez sceptiques et pensent que le choléra n’existe pas en réalité.
Pour les auteurs de l’étude, la corruption généralisée qui sévit au plus haut sommet de l’État en Haïti sert aussi de catalyseur à la propagation de rumeurs sur le choléra et d’autres sujets.