2e édition

Festival Rivière-Froide en couleurs

Jhony James Laborde guette l’éventuel acheteur de ses sculptures sur pierre et sur bois en cette deuxième journée, le samedi 24 août, du festival Rivière Froide en couleurs, une initiative de Talan Ayisyen Natif Natal (TANN).

Claude Bernard Sérant
Par Claude Bernard Sérant
31 août 2018 | Lecture : 3 min.

Jhony James Laborde guette l’éventuel acheteur de ses sculptures sur pierre et sur bois en cette deuxième journée, le samedi 24 août, du festival Rivière Froide en couleurs, une initiative de Talan Ayisyen Natif Natal (TANN). À quelques pas de ce courant d’eau qui a pris sa source dans les contreforts du massif de la Selle, près de la commune de Kenscoff, il dispose, sous une longue table abritée par une tonnelle, les pièces tirées de divers endroits du pays, silex, granit. Ses mains habiles les ont taillées et conçues dans les matériaux les plus durs et aussi les plus tendres.

Si l’artiste peut se vanter d’avoir un métier lui permettant de joindre les deux bouts pour élever ses quatre enfants, c’est parce que lorsqu’il portait encore le pantalon court, il aimait voir les grands maîtres de la sculpture de la zone ciseler la pierre. « J’avais sept ou huit ans quand je venais m’asseoir près de Jean Brunel Ròclor, Ti Pèlin et Nason. Je les regardais travailler. Tout enfant que j’étais, ils me passaient leur burin pour sculpter », dit l’artiste, songeur. À quarante-deux ans, il porte un gros chagrin. Rivière-Froide n’est plus ce qu’elle était. Des exploiteurs venus de partout se jettent sur le matériau de travail des sculpteurs. Pendant que Jhony s’en plaint, un camion chargé de roches file dans la rivière. Quelques hommes et femmes, de leur côté, transportent sur leur tête des sacs de roches ou de sable. « Que voulez-vous, dans ce coin perdu, la rivière fait bouillir la marmite de tous ceux qui s’adonnent à son exploitation », dit-il dans un soupir.

Il n’a pas besoin d’ajouter d’autres mots, l’image est là, saisissante. « À présent, je travaille davantage le bois que la pierre. Pour nourrir aussi ma famille, je me rabats sur la fabrication des fruits pour les mariages, je fais le service traiteur », dit cet artiste qui fait flèche de tout bois. « L’État ne nous protège pas », lâche-t-il dépité.

Ozinska Mathieu, lui, a trouvé une formule pour contourner ce problème. Il réalise ses œuvres artisanales avec les matériaux de récupération que charrie la rivière et d’autres endroits de cette zone vulnérable. Il recueille les bouteilles en plastique et vieux sachets pour confectionner ses valises. De plus, il enseigne la technique de l’artisanat de la récupération chez les sœurs de Ste- Thérèse et dans un orphelinat du côté de Dufrenay.

Pendant qu’Ozinska parle de son art de la récupération, de son côté, le coresponsable du projet Rivière Froide en couleurs, Gladimy Ibraïme, assène un discours sur la protection de l’environnement, de ce patrimoine naturel de Carrefour : « Protéger Rivière-Froide c’est protéger sa santé. C’est aussi se protéger contre les maladies d’origine hydrique. » Il invite les riverains à ne pas jeter les déchets en plastique dans ce cours d’eau et à cultiver le respect pour cette nature qui a été tellement luxuriante autrefois. Du haut d’un podium, Gladimy fait office de DJ. Sa voix posée qui anime les haut-parleurs attire les baigneurs vers les kiosques d’information, activité qui a eu, les 24, 25 et 26 août, le support du Fonds des Nations unies pour l’enfance, dans le cadre du projet All in organisé en partenariat avec le Réseau haïtien de journalistes en santé (RHJS).

La 2e édition du Festival Rivière-Froide en couleurs encadrée aussi par le Volontariat pour le développement haïtien (VDH), dans cette terre d’eau, a attiré des centaines de festivaliers.

L’animation musicale, la baignade ont servi d’appât pour allécher des jeunes vers les kiosques d’information. Les jeunes du RHJS et du VDH ont pu les sensibiliser aux questions relatives aux maladies sexuellement transmissibles, dont le vih/sida, la planification familiale et les maladies d’origine hydrique. Des préservatifs ont été distribués aux jeunes qui en réclamaient.

Cette activité a aussi été une occasion de rencontrer des jeunes comme Théophilo Jarbath, un passionné de Rivière-Froide. Il se définit comme un explorateur qui travaille sur les questions liées à l’eau, sur les problématiques au carrefour des sciences humaines, sociales et des sciences naturelles. Théophilo a cette rivière dans la peau et passe le plus clair de son temps à la photographier sous plusieurs angles.

Souhaitons qu’à la 3e édition de ce festival, qui met sous les feux de l’actualité cette zone vulnérable, les photos de Rivière-Froide capturées par ce jeune au fil de plusieurs années soient exposées.