Paru chez Les éditions Feu de Brousse (Écrit des Forges), «Ondes Vagabondes» est une tentative pour conquérir l’espace d’« une mémoire des lieux habités en libre amour ». Maurice Cadet sait faire usage d’une langue de notre système symbolique qui pousse les limites de nos horizons. Littéralement, les poèmes sont d’une fluidité qui invite le lecteur à voyager au fond de l’inconnu à la quête du nouveau.
Entre souvenirs d’amour, d’amitié et « remodelage », le poète imprime dans les dédales de la conscience sa véritable dimension en présence des lieux d'ensevelissement et d’enfouissement :
« à chaque retour la violine des novembres m’envahit
Blanchi à chaux le cimetière fait mal aux yeux
Les nouvelles tombes affichent trop de noms connus
Les ombres aimées glissent dans le contre-jour ».
À travers ses poèmes, Maurice nous fait partager le drame qui se joue en lui, ses remembrances, ses amours et l’extase qu'il témoigne à la « fertilité », à l’« éternité » et à la « luminosité ». Il atteint les possibles qu’installe une œuvre qui se donne pour but de créer les lignes de la mesure, la transversalité des sujets et la justesse du tracé.
Comme un contre-espace qui s’inscrit dans le temps de l’enfance, les corps et les zones d’ombre sont conçus dans une relation de transition :
«[…] ah ! ce n’est pas la faute du temps
Si à travers les rumeurs de la rue Provence
Je crois entendre dans les palabres de l’arrière-cour
Voix rieuse et raclements de gorge
Si au soleil levant du balcon-devant
Il y a encore grincement d’une chaise-dodine
Le père se berçant à l’ombre du bougainvillier fleuri
fort souvent les morts font des ombres sur nos ombres
Et leur silence n’abrège pas la durée de nos angoisses
Daguerréotypes figés dans leur cadre bronzé
Aïeuls aux jabots de dentelle et au faux col relevé
Tout une galerie des vieux regards me poursuivant
Scrutant dans leur rigidité d’outre-tombe
Jusqu’à la moindre retaille de mon enfance décousue »
Toujours dans l’action, esprit vagabond, « pleins feux », rien chez le poète n’arrête la mémoire. Par-delà les mots, sa création musicale prend une formule mnémotechnique dans l’imagination du lecteur. L’oisiveté n’est pas de mise. Il s’empare de nous, « fragilise la certitude » capable de rendre compte de l’altérité.
Maurice Cadet, né à Jacmel, est auteur de plusieurs recueils de poésie, il a enseigné la littérature au secondaire (1967-1995). « Ondes vagabondes» est son cinquième titre publié aux Écrits des Forges.
Réagir à cet article