Le football vu autrement par Romain Genevois

Il a été, à côté de Placide ou encore de Sony Nordé, l’une des rares satisfactions de la sélection nationale lors de la Copa America du centenaire. De retour en France, il a quitté l’OGC Nice pour signer au Stade Malherbe de Caen pour trois ans. Qualifié de grand professionnel par le staff technique haïtien, Romain Genevois, solide comme un roc, accorde beaucoup d’importance à sa famille. Il a accepté volontiers de répondre aux questions de Ticket.

Legupeterson Alexandre
Par Legupeterson Alexandre
12 août 2016 | Lecture : 6 min.
Romain Genevois est né à l’Estère (Artibonite) le 28 octobre 1987 (28 ans). Il a été adopté à l’âge de trois ans avec son frère par une famille de Montcenis. Selon ses dires, le footballeur a fait ses débuts au FC Gueugnon, son club formateur. Il a reconnu que « ce palier a été difficile à franchir, car beaucoup sont appelés et très peu sont élus. J’ai été content d’intégrer le groupe pro, mais le plus dur était de construire une carrière. Pour l’instant, je peux dire que ma carrière est en phase ascendante et j’espère que ça va continuer comme ça ». En effet, champion national avec son club formateur, Genevois a fait sa classe dans le football français. « J’ai remonté en Ligue 2 avec le FC Tours. J’ai fait trois belles saisons qui m’ont permis de passer le cap Ligue 1 en signant au sein de l’OGC Nice avec lequel j’ai disputé plus d’une centaine de matchs (286 chez les pros et 105 en Ligue 1, 16 buts et 2 en Coupe d’Europe). Autant dire que je suis un joueur qui a une marge de progression énorme. En tout cas depuis que j’ai commencé jusqu’à maintenant, j’essaie de l’exploiter à fond en jouant dans des équipes de niveau supérieur à chaque fois ; c’est ce qui m’a permis de progresser assez vite, d’être pas tout à fait à maturité aujourd’hui, mais presque, car je deviens un joueur d’expérience. Il me reste encore de belles années devant moi et j’espère que ça va continuer dans ce sens-là. », raconte l'homme. Genevois, le polyvalent défenseur Au contraire des autres joueurs, le polyvalent Genevois est capable de jouer dans l’axe de la défense et latéral droit. À ce sujet, il a apporté les explications suivantes : « Mon poste est assez aléatoire. J’ai fini ma formation au poste de latéral droit. J’étais appelé à dépanner pour un poste de défenseur central lorsque je jouais en national avec le FC Gueugnon. Un poste que j’ai découvert, apprécié, et où j’avais envie de poursuivre, de persévérer. Que je sache, à ce poste-là, je pense que je peux être plus fort qu’à droite. Avec le FC Tours en Ligue 2, j’ai pu retrouver mon poste de prédilection. Au fait, le moins que je puisse dire, c’est que les aléas du foot ont fait que je conserve ce poste. Et du coup, j’ai fait trois saisons dans l’axe, et ce jusqu’à mon arrivée à l’OGC Nice. Comme j’ai été formé à droite, et que j’ai fait quelques matches à droite, les clubs avec lesquels j’ai pu m’engager savaient que je pouvais dépanner à ce poste ; et lorsque le besoin se fait sentir, je me donne à fond. Depuis que je suis devenu footballeur pro, on ne m’a jamais promu en poste de titulaire. Ma place, je l’ai gagnée sur le terrain à force de travailler à l’entraînement », a-t-il expliqué. Le Stade Malherbe Caen a trouvé la perle rare Ayant terminé avec l’OGC Nice 4e de la Ligue 1 et qualifié directement pour la phase de poule de l’Europa Ligue, Romain Genevois s’est exilé à Malherbe pour grossir la colonie haïtienne déjà bien garnie au sein de l’équipe de Caen avec la présence de Jeff Louis (blessé) et d'Hervé Bazile. Après s’être engagé avec le SMC pour trois saisons, le directeur sportif du SMC ne tarit pas d’éloges à son sujet. À propos de Genevois, il dit : « C’est le joueur que l’on voulait, que l’on attendait. Un défenseur central polyvalent capable de jouer latéral droit. C’est un garçon d’expérience qui a connu le haut niveau avec Nice », se félicite Alain Cavéglia. Genevois et l’équipe nationale Les débuts de Genevois en équipe nationale a été très difficile : « J’ai découvert l’équipe nationale peut-être dans une période où c’était le bourbier. Ce n’était pas très stable et pas très bien structurée. Vu que j'ai fait Sports/Études, centre de formation où j’ai appris la rigueur, j’ai été préparé à devenir un joueur pro, et du coup, je ne m’étais pas retrouvé en équipe nationale alors qu’Haïti jouait contre le Venezuela », se souvient-il. À cela, il ajoute : « Si j’étais content de renouer avec mon pays d’origine, il faut dire que ça s'est très mal passé. Figurez-vous qu'un ami (Davidson Charles) et moi sommes arrivés à l’aéroport de Floride tôt dans la matinée, et ce n’est que dans la soirée qu’ils sont venus nous chercher ? Dans la foulée, on avait peur ; on était très jeunes. Pis encore, je ne savais même pas qui était le sélectionneur national. Ça été une petite déception. Cette mauvaise expérience m’a incité à donner la priorité à ma carrière pro en France avant d’ouvrir la porte à nouveau à la sélection et de prendre la décision pour rejoindre Haïti. » Genevois admet cependant qu'au fil des ans il y a beaucoup d’efforts chez nous de la part des autorités du football : « C’est un plaisir de pouvoir jouer pour mon pays d’origine. Les choses ont réellement changé aujourd’hui. Il y a quelque chose qui s’amorce et qui se construit. Certainement, il y a des hauts et des bas, mais ça ne doit empiéter en rien sur ’optimisme et au fait qu'Haïti a clairement grandi. Pour grandir, il faut de tout », s’est enthousiasmé le footballeur. Quand Genevois évoque la Copa America « Une très bonne expérience, une très belle compétition, et on avait tous à cœur de la vivre. Après tout, ça demande beaucoup de temps pour bien se préparer. Il y a eu également beaucoup de déceptions. On savait qu’on a pas une grande équipe, mais on savait aussi que l’on pouvait faire quelque chose, écrire une belle page d’histoire dans cette Copa. Malheureusement, on est passé à côté. J’ai une grosse frustration là-dessus. J’ai beaucoup plus de regrets sur le match du Pérou par rapport à celui du Brésil. Contre le Pérou, on jouait bien et on espérait récolter un résultat positif. Et franchement, on méritait mieux, car c’était un match qui aurait pu nous lancer dans cette Copa ! » Il a reconnu cependant : « Pour le match du Brésil, le résultat aurait été presque anecdotique. On était tout simplement dépassé. On jouait clairement à l’envers. On a tous notre part de responsabilité. On est footballeur pro, on connaît les raisons de la défaite, sans prétention, mais un peu plus que certaines personnes qui s’amusent à critiquer l’équipe. Il faut savoir qu’on a la haine de la défaite, on a très mal vécu cet épisode. » L’équipe nationale promise à un bel avenir « L’équipe a, sans crainte d’être démenti, quelque chose de grande valeur. Là-dessus, je suis persuadé que le groupe actuel et celui à venir vont faire grandir la sélection et donner une autre dimension à Haïti qui le mérite. Certainement, ça va prendre du temps, on est dans un tournant et on apprend toujours. » Sera-t-il de retour en équipe nationale ? Sans langue de bois, le natif de L’Estère répond : « Pour les échéances à venir, oui. J’ai à cœur de revenir pour montrer que l’équipe nationale peut mieux faire et va mieux faire. Ce n’est pas le moment de s’arrêter parce qu’il y a une grosse déception, loin de là. Je n’aime pas trop projeter, mais je suis à la disposition de ma sélection. J’ai encore de belles années devant moi pour revenir apporter mon expérience », a-t-il promis. Romain Genevois s’inscrit dans la lignée des joueurs ayant accordé beaucoup d’importance à leur famille. Au terme de sa carrière, il rêve de se consacrer entièrement aux siens : « À la fin de ma carrière, je serais à 100 % père de famille. J’ai une fille (5 ans) et un garçon (1 an). Après quatre ou cinq ans, je serai, peut-être, vieux pour le sport mais jeune pour la vie. Ce faisant, je serai en pleine mesure de m’occuper de ma famille et de me faire pardonner, car aujourd’hui, je ne lui consacre pas trop de temps. » En guise de conclusion, Romain Genevois s’est adressé au public haïtien en ces termes : « Je ne suis sur aucun réseau social, je ne les aime pas. J’aime mon pays et j’aime le public haïtien. Je n’aime pas faire semblant », a-t-il dit avant son premier match sous les couleurs du SMC, en Ligue 1, le samedi 13 août face à Lorient.