Marie Barton-Dock : regard sans concession sur l’ED’H et des fournisseurs privés d’électricité

L’Etat haïtien subventionne l’ED’H à hauteur de 200 millions de dollars américains l’an. Ces fonds publics sont drainés depuis un bail par cette compagnie qui perd 60 % de l’énergie produite et qui a de « l’insuffisance dans les contrôles imposés aux producteurs indépendants d’électricité », ses fournisseurs, selon la Banque mondiale.

Roberson Alphonse
Par Roberson Alphonse
23 sept. 2015 | Lecture : 3 min.
Marie Barton-Dock n’y va pas par quatre chemins. Il faut une baisse du prix de l’énergie et la révision des contrats des fournisseurs privés d’électricité à l’ED’H. Pour le représentant résident de la Banque mondiale en Haïti, un processus compétitif peut permettre à l’Etat d’avoir une énergie à un coût beaucoup plus bas que celui facturé par les IPP. Entre l’énoncé et la matérialisation d’une recommandation dans la glaise du réel, Marie Barton-Dock sait qu’ici qu’il n’y a pas de « short cut », pas de place pour des douces illusions. « Il y a des contrats très solides qui disent que l’Etat doit continuer à utiliser leur énergie », a observé la fonctionnaire de la Banque mondiale, connue pour son franc-parler. Sans parler au nom d’autres partenaires internationaux qui poussent pour des réformes au sein de l’ED’H, elle égratigne, sans la nommer, l’administration Martelly, incapable de faire bouger les lignes sur « les contrats IPP qui ne sont pas très flexibles » et l’amélioration de la performance commerciale de l’ED’H. « La volonté politique pour faire face aux deux grands problèmes du secteur n’existe pas », a tranché Marie Barton Dock, la patronne dans le pays de la Banque mondiale qui vient, dans son dernier rapport sur Haïti, de mettre aussi le petit doigt sur « l’insuffisance des contrôles imposés aux producteurs indépendants d’électricité ». Tout ça, ajouté à la vétusté du réseau, « draine les ressources publiques ». La Banque mondiale garde au frais 90 millions de dollars destinés au financement du secteur de l'énergie en Haïti, une fois que la réforme de l’ED’H donne des résultats visibles. En termes de financement, les choses avancent très lentement, a reconnu Marie Barton-Dock, encouragée par la collusion entre d’autres partenaires internationaux pour que le gouvernement haïtien avance vers la réforme de l’Ed’H. Pour le moment, la privatisation de l’ED’H n’est pas à l’ordre du jour. « Cette question a été soulevée dans le passé. Pour le moment, l’ED’H n’a pas les éléments clés pour poursuivre un processus de privatisation. Par exemple, il n’y a eu aucun audit à l’ED’H depuis 2006. Il n’y a pas de registre des biens. Il n’y a pas de régulation très claire si l’on privatise afin de déterminer qui fixe le prix de l’électricité et comment », a révélé Marie Barton-Dock, assurant que ces éléments-là font partie du programme de financement mis en place par la Banque mondiale. Le président Michel Martelly, en juin dernier, avait évoqué, avec le journal, l’imminence d’un coup d’Etat contre lui si jamais son administration pencherait en faveur d’une renégociation des contrats avec les fournisseurs privés de courant électrique à l’ED’H. Laissant l’impression d’être pieds et poings liés, le chef de l’Etat, au parfum des mauvais chiffres, sait que le Trésor public subventionne à hauteur de 200 millions de dollars américains l’an cette compagnie publique qui perd quelque 60 % de l’énergie électrique produite. 35 % de ces pertes sont commerciales. L’ED’H, parvenue depuis des décennies à ne desservir qu’un tiers (1/3) de la population haïtienne, fournit une énergie électrique de mauvaise qualité et parmi les plus coûteux de la région. Avec un prix de l’électricité aussi élevé, « la compétitivité d’Haïti et des entreprises haïtiennes ne va pas être élevée », a souligné Marie Barton-Dock, qui redonne un électrochoc au secteur de l’énergie. Il y a quelques semaines, une conférence de presse annoncée au palais national autour de la signature d’un accord sur le secteur de l’énergie avait été renvoyée sine die. Depuis, c’est le black-out complet au niveau de l’exécutif. Le recours à des fournisseurs privés d’énergie ne date pas du quinquennat de Michel Martelly. La disponibilité de puissance pour Haïti est en deçà des 400 mégawatts.