Jérémie amère après le 1er tour des législatives

Une Jérémie grimaçante, amère, s’est réveillée le lundi 10 août 2015 après le premier tour des législatives. « Jamais nous n’avons vécu une ambiance électorale aussi décevante », ont commenté certains observateurs qui disent appréhender les résultats que va publier le CEP.

Yvon Janvier
jyvon21@gmail.com
Par Yvon Janvier jyvon21@gmail.com
11 août 2015 | Lecture : 3 min.
L’atmosphère explosive de la veille avait prédit l’ambiance électorale des législatives du 9 août dans le département de la Grand’Anse. A Bordes, la rue donnant accès au BED a été interdite aux véhicules. Devant l’édifice protégé par des agents spécialisés de la PNH, des protestataires véhéments ont dénoncé les autorités électorales qui ont tout fait, selon eux, pour favoriser le parti au pouvoir, PHTK. « A bas toute sélection. Pas de mandats, pas d’élections ! », avaient-ils menacé. Ils s’étaient identifiés : en majorité Pitit Dessalines, Bouclier, parmi eux se profilaient des candidats. Approché dans son bureau par le journal, le président du BED, Luma Maxso, en présence de la conseillère Yolette Mengual, confirme. À la suite des difficultés techniques, des partis n’ont pas encore reçu le document à délivrer à leurs mandataires en vue de contrôler le déroulement du scrutin dans les bureaux de vote (BV). Il a reçu l’ordre d’en délivrer sur place. Deux heures plus tard, le BED a été l’objet de jets de pierres, les vitres d’une voiture de la MINUSTAH et du convoi de la conseillère en ont fait les frais. La PNH a riposté par des tirs de gaz lacrymogène. En un clin d’œil, des pneus avaient commencé à brûler dans quelques carrefours de la ville. N’empêche que le lendemain, très tôt, la ville s’est réveillée, prudente, certes, mais déterminée à accomplir son devoir civique. Jusqu’à dix heures, selon les rapports obtenus par des observateurs sur place dans les centres de vote (CV) éparpillés dans le département, à part les irrégularités habituelles, le retard dans l'ouverture des BV, les kits manquants, les électeurs figurant sur la liste affichée à l’extérieur mais pas à l’intérieur et interdits de voter, la protestation des mandataires, tout allait mi-figue mi-raisin. Vers midi, c’est la débandade dans certaines circonscriptions électorales. Pas dans celles réputées zones rouges, à quelques rares exceptions, comme Abricots-Bonbon, Moron-Chambellan, Anse-d’Hainault-Irois ou Pestel. Etonnamment, Jérémie a eu une journée mouvementée. Des mandataires ont déchiré des listes électorales. Au centre de vote du Lycée Nord Alexis, d’autres ont dénoncé des bourrages d’urnes en faveur de l’ex-sénateur Michel Clérié (PHTK), des protestations ponctuées de jets de pierres et de coups de feu, la police a fait usage de gaz lacrymogène. Votants et membres de BV ont paniqué, se sont abrités, ou ont rebroussé chemin. Des individus ont emporté des paquets de bulletins non encore utilisés. Le centre a été fermé. La foule de votants, surtout des jeunes, perdus dans des commentaires, est restée quand même en attente. Des femmes et des personnes à mobilité réduite rencontrées n’ont pas pu voter. Et la population apprendra, interloquée, malgré que le juge de paix a été appelé sur place pour verbaliser, que le centre serait rouvert quelques heures avant l’heure de fermeture. Au fait, sur les trente BV du Lycée Nord Alexis, seulement cinq (avec deux dans l’annexe du Lycée des Jeunes Filles) ont été annulés. Les instigateurs de ce désordre ont pris également pour cibles Duchity, Fond-Rouge, Torbeck, Corail, où des centres de vote et des BV ont été annulés. A l’EFACAP de Jérémie, qui a abrité le CV Pétion Laforest, abritant 25 BV, même scénario. La police, impuissante, a utilisé la même stratégie. Panique. Les bulletins décoraient la cour et les urnes, encore remplies, atterrissaient à l’arrière de l’EFACAP. Jérémie votera timidement seulement au Lycée des Jeunes Filles. En moyenne 35 votants par BV, révélera le dépouillement, sur des listes de 400 à 430. Des agressions, la journée électorale à Jérémie en a enregistrées. Au nombre des victimes, une candidate à la députation, Midrine Wesh, transfuge de PHTK, candidate sous la bannière de UNDH. Elle conduira à la fermeture du scrutin un mouvement de protestation à travers la ville, dénonçant ses agresseurs, proches de PHTK, et les irrégularités du scrutin. Six individus ont été appréhendés par la police, mais relaxés, à l’exception d’un détenteur d’arme à feu illégale. Et la soirée s’achèvera jusqu’au réveil, ce lundi 10 août 2015, dans une ville apparemment calme, sur des commentaires çà et là, sur un sentiment de frustration généralisée et de déception des Jérémiens face à la sombre image projetée par le pays pour ce premier tour des législatives. Et, la mort dans l’âme, beaucoup d’observateurs appréhendent déjà les résultats qui vont sortir de ces élections.