Comment une communauté, privée d’un processus d’institutionnalisation et d’un pacte de cohésion sociale, a-t-elle pu générer un modèle de société fondé sur la désorganisation ? Comment, dans cette configuration, les pratiques sociales et les valeurs collectives ont-elles été reformulées à travers un chaos administré, au point de redessiner en profondeur les représentations du vivre-ensemble, de l’autorité, de la vie, de la mort et du lien ?
Plan analytique et philosophique
L’inachèvement social : Haïti comme communauté non advenue à la société
Le chaos administré : naissance d’un ordre dans le désordre
Anthropologie de l’effondrement : transformation des valeurs et recomposition culturelle
Introduction
Qu’est-ce qu’une société, sinon une alchimie délicate entre des individus, des institutions et des valeurs qui tissent ensemble le pacte du vivre-ensemble ? Comment naît cette entité que l’on nomme « société » ? Est-elle donnée par l’histoire ? Résultat d’un acte fondateur, d’un contrat social, d’une accumulation d’habitudes ? Ou est-elle au contraire une construction fragile, toujours menacée par le retour du chaos, par l’usure du sens, par la perte du lien ? Et que reste-t-il lorsqu’une communauté humaine ne parvient pas, ou plus, à s’instituer comme société véritable ? Est-ce encore une société ? Est-ce simplement une masse ? Une multitude sans cap, ni mémoire, ni projet ? Ou bien une autre forme sociale, inédite, à décrypter avec d'autres outils ?
Ces interrogations traversent toute l’histoire de la pensée sociale, de Platon à Durkheim, de Rousseau à Castoriadis, et elles résonnent aujourd’hui avec une intensité particulière dans le cas haïtien.