Nous sommes dans la première moitié du XXe siècle. Diogène Caseron est beau, se tient bien, parle plusieurs langues: l’anglais, le français, l’allemand. Il est né à Jacmel, d’une famille riche. Sa mère, pour échapper à la jalousie, aux calomnies et à l’hypocrisie qui règnent dans la ville, convainc son époux d’aller habiter L’Oubli-Ville qui servait auparavant au couple de lieu de villégiature. Il a donc grandi dans ce lieu qui se veut isolé et sans mémoire avant d’être inscrit comme séminariste au collège Saint-Marti, à Port-au-Prince.
Diogène a conscience que son prénom le lie à un illustre homonyme. Il est un peu philosophe, a des idées sur tout : la mort, le vodou, la religion en général, la politique, sans critiquer pourtant le comportement des autres. Son motto, emprunté, dit-il à un poète : « L’homme doit avoir la possibilité de choisir sa vie. »
Comme malgré lui, dès l’enfance, il a choisi sa vie. Une partie de sa vie. Il est homosexuel. Sa première expérience, il l’a eu avec son cousin Gégé, le fils de tante Diourne. C’est dans la bibliothèque du collège qu’il lit un article sur « son vice ». Il multiplie les relations avec les hommes jusqu’à l’âge de quarante ans, y prenant un immense plaisir tout en se livrant à une autocritique qui semble plus obligée que sincère. S’il parle de vice, c’est un vice qu’il adore. Retour à L’Oubli-Ville. À quarante ans, il décide de se marier. Un peu pour faire comme tous les mâles de sa génération qui ont depuis longtemps fondé des familles. Lui, le lettré, épouse une paysanne prénommée Catherine comme sa mère. La psychanalyse aurait peut-être son mot à dire. Ils ont des enfants, mais Diogène tombe malade. Une fièvre qui se transfome vite en fatigue générale. Il meurt officiellement d’un cancer. Son homosexualité étant connue de tous : « Lui qui avait été fêté, choyé, décrié, haï, envié… Seuls quelques paysans du voisinage avaient assisté en compagnie des habitants de L’Oubli-Ville à ses funérailles. » Après son décès, sa veuve, qui sait lire, éduque tranquillement ses enfants, comme retirée du monde. Un jour, elle trouve « dans une vieille malle du grenier » des carnets. Ce sont toutes sortes de manuscrits : lettres, fragments de journaux, récits, cahiers de poésie, dessins érotiques. « De sang et sperme », « Les écrits inutiles », « La vie simple et tranquille », « Confessions d’un homosexuel du siècle »… Les titres varient comme les genres. La deuxième partie du livre est constituée de l’ensemble des textes retrouvés que la veuve espère publier.
Un livre étrange à la composition un peu bancale, une langue qui faiblit quelquefois. Les poèmes de Diogène ne sont pas d’un grand intérêt littéraire. Les « confessions » ont un ton d’authenticité qui en fait la partie la plus intéssante du livre : « Mon amour naturel pour les hommes me portait vers les beaux garçons… » Confessions qui oscillent entre la repentance et sa négation. Car : « Des regrets ? Pas beaucoup. Je suis trop passionné… »
Pas un chef-d’œuvre, mais l’un des premiers de notre littérature (1995) dans lequel l’homosexualité est un thème majeur. Il a déjà la valeur d’un document historique.
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