« Sans les coopératives, Haïti aurait importé du café »

Si, aujourd’hui, Haïti peut continuer à exporter du café, c’est en partie grâce à la Coopérative agricole caféière Vincent Ogé de Dondon (COOPACVOD), qui absorbe 65% de la production nationale de café. Cette coopérative, fondée en 1976, qui regroupe plus de 600 planteurs, lutte au quotidien pour valoriser ce produit qui constituait naguère l’une des principales sources de revenus du pays. Malgré l’insouciance des autorités, l’aventure semble pourtant loin d’être terminée.

Valéry Daudier
Par Valéry Daudier
15 nov. 2013 | Lecture : 3 min.
Au départ, ils étaient 34 planteurs de Dondon qui s’organisaient pour valoriser le café local. Au fil des années, ils auront été près de 900. Aujourd’hui, ils sont 680 membres actifs qui livrent du café chaque année. « L’effectif a diminué vu que certains planteurs ont émigré vers les Etats-Unis, le Canada et la République dominicaine, explique Francisque Dubois, 66 ans, qui dirige la coopérative travaillant sur quelque 20 000 hectares. Ils n’ont plus d’espace pour produire du café, par conséquent ils ne sont plus membres. » Animé d’une détermination inébranlable, le sexagénaire est aujourd’hui l’un des deux survivants parmi les fondateurs de la coopérative. « Notre objectif était de valoriser notre café, trouver de meilleurs prix sur le marché international, car, au départ, nous avions beaucoup de difficultés pour vendre notre café, ajoute M. Dubois au milieu des centaines de sacs de café stockés dans une salle et prêts pour l’exportation. Nous avons jugé qu’il fallait réunir tous les planteurs pour mettre une association sur pied afin de nous faciliter la tâche. » Dépendamment du nombre d’hectares ou de parcelles exploités, la culture du café représente une importante source de revenus pour les membres de la coopérative. Selon Francisque Dubois, le chiffre d’affaires de la coopérative varie entre 150 et 200 000 dollars américains par année. « Les bénéfices sont retournés aux planteurs », assure le président de la coopérative. Et les agronomes ? Francisque Dubois hoche la tête quand on lui pose la question. Manifestement, il n’est pas satisfait. « Des agronomes nous visitent régulièrement, mais c’est pour faire de la publicité, critique-t-il. Nous en recevons aussi parfois du ministère de l’Agriculture, mais on se rend compte qu’ils ne sont pas venus pour travailler. Nous offrir des séminaires ou nous encadrer, ce n’est pas dans leur agenda. » « Au ministère de l’Agriculture, je ne vois que des projets bidon, ajoute M. Dubois. L’Institut national du café haïtien (INCAH) n’a même pas une pépinière. Je pensais qu’il pourrait nous financer, mais ce n’est pas le cas ! » Cette indifférence est cependant loin de décourager les membres de la coopérative. Pour pérenniser la culture du café, la coopérative s’efforce de produire au moins 10 000 plantules de café chaque année. A travers le projet PME, les Etats-Unis ont décidé de financer deux ans de pépinière. Ainsi, pour l’année 2013, la coopérative a produit 100 000 plantules de café et de plantes de couverture nécessaires pour sa culture. Ces plantes sont vendues et distribuées en grande partie aux planteurs. « Si nous vendons 500 plantules, nous en donnons 250 en cadeau, car nous voulons augmenter la production caféière », confie Francisque Dubois. Contemplant les mornes de sa région, Francisque Dubois devient soudain nostalgique. « Quand j’étais gosse, tous les mornes étaient couverts de café, se souvient-il. Malheureusement, ils sont aujourd’hui dénudés. Si nous n’étions pas organisés en coopérative, il n’y aurait plus de café aujourd’hui dans la région. Sans les coopératives, Haïti aurait importé du café ! » Le principal adversaire de la coopérative est aujourd’hui un insecte dénommé « escolit » – ou scolyte de son nom scientifique Hypothenemus Hampei – qui dévore les grains de café alors qu’ils sont toujours sur les pieds. Une peste qui diminue la production et joue également sur la qualité du café. « Avec cet insecte, nous avons perdu 65% de nos récoltes pour la saison 2012-2013 », confie le président de la COOPACVOD dont certaines constructions ont été financées par l’ACDI. Pour lutter plus efficacement contre cet insecte dévastateur, un appui technique du ministère de l’Agriculture est sollicité. « Une assistance technique du ministère, c’est tout ce que nous réclamons, indique Francisque Dubois. Il me semble que ce n’est pas demander la lune…»