En mai prochain, le président Hollande visitera Haïti
Bloc-Notes
Publié le 2015-04-13 | Le Nouvelliste
Ce ne sera pas, dit-on, une visite par défaut ni un simple retour de politesse au président Martelly. Mais une action politique dont la portée ne voudra pas être que symbolique, l’acte fondateur de quelque chose de nouveau, de plus humain et efficace dans la relation entre les deux pays.
L’occasion peut-être de penser ce qu’ici la France n’a pas su faire, dire ni entendre. L’occasion d’exprimer la volonté de réparer, au moins au sens de corriger, mieux faire.
Déjà, sur le passé colonial, reconnaître pour crime ce qui ne fut qu’un crime. Ne plus adopter l’oubli comme stratégie d’autodéfense. Ne plus chercher de justification à la barbarie coloniale. La reconnaître comme telle. Car comment peut-on demander à celui qui a souffert de banaliser sa propre souffrance et lui proposer des liens d’amitié ? L’amitié n’est possible que dans la pleine reconnaissance de ses torts, ce qui permet enfin de parler d’autre chose.
Le traitement de la figure de Jean-Jacques Dessalines, fondateur de l’Etat haïtien, dans l’historiographie française, marqué par le silence ou l’injure, témoigne de cette difficulté de comprendre Haïti. La France a joué Toussaint contre Dessalines. L’un est devenu un général français, figure acceptable, inscrite au panthéon. L’autre n’est pas reconnu pour ce qu’il fut, l’un des premiers dirigeants de l’Amérique postcoloniale et le symbole de la rupture avec l’inacceptable. Nier Dessalines ou le banaliser, c’est nier et banaliser la naissance d’Haïti elle-même. Faire la sourde oreille à la spécificité haïtienne, ou écorcher les oreilles des Haïtiens.
Et puis, cette langue qui est restée ici et fonctionne encore comme outil d’exclusion dans une société où le déficit de citoyenneté demeure une évidence. Deux langues (le créole et le français) pour une minorité, et une langue (le créole) pour la majorité. La double peine : la seule langue de la majorité des Haïtiens encore dévaluée malgré quelques progrès, et la deuxième langue des Haïtiens, privilège d’un petit groupe. La France a peu aidé à changer cette situation. Elle pourrait pourtant… contribuer à la formation des maîtres, à un enseignement et des usages plus dynamiques du français.
Et puis, la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane, terres voisines avec lesquelles renforcer les liens, les normaliser dans le sens d’une coopération entre les éléments de cette grande Caraïbe.
Et ce retrait étonnant, décevant même, sur le plan de la politique culturelle. Des abandons et des choix pas toujours judicieux. Là où, justement, il conviendrait peut-être d’aller vers des activités qui touchent plus que le petit groupe de privilégiés. Je ne peux, à titre d’exemple, m’empêcher de penser au Festival Etonnants-Voyageurs que la France regarde avec réticence, alors que le gouvernement haïtien maintient sa participation financière. Dix villes haïtiennes. Deux mille écoliers plus le grand public. La chance pour eux tous de rencontrer des écrivains venus de partout. Afin que ce ne soit pas toujours les mêmes, les « connectés », qui aient accès aux biens et services culturels.
En mai prochain, le président Hollande visitera Haïti. Et après ?
Antoine Lyonel Trouillot
zomangay@hotmail.com
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