la mort est affaire personnelle
la mort n’est rien que la fin du monde
quelque chose dans le monde
la fin de quelqu’un dans le monde
la fin du vivant
qu’il soit humain ou chabin d’œil bleu
la mort ne met pas le terme
à quelqu’un dans le monde
ni à un mode d’être
elle marque le terme
de ce que chacun ouvre
comme un seul et même monde
la fin de l’unique monde
la fin de la totalité de ce qui fut
de ce qui se présente sur la toile
comme l’origine du monde
alors le survivant reste seul
il aura été voué à porter à lui seul
le futur antérieur
au-delà du monde de l’autre
il est aussi de quelque façon au-delà
ou en deçà du monde même
dans le monde hors du monde
privé des mondes possibles
il se sent seul
responsable de la mort
non pas du sens
ni de la signification de la mort
ou de la forme géométrique de la tombe
mais de la transmission du verbe
de la tradition
seule maîtresse de l’écriture
assigné à porter l’autre vers son ombre
l’autre et le monde disparus
responsable du monde
hors le sol d’aucun monde
dans un monde sans monde
comme sans terre
puisse la parole veiller sur le disparu
par-delà la fin du monde
masse compacte et sans profondeur
quand bien même on entendit le remugle
mugir dans les fosses
les hylodes couvraient de stridence
les chants d’amour
par les lieux sans routes
infestés d’aoûtats et d’abois
les hardes en lambeaux
nous noyâmes le poème
qui ne souffrit plus
à la surface de la vase
éclot son ultime vagissement
aux branches basses des palétuviers
sous nos pas se déroba
le saphir de son oeil
comme le ciel en sa pureté
Joël Des Rosiers
24 février 2025
Montréal
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