Politique dans la montagne

Dans Ne m’appelle pas Capitaine, le romancier et poète haïtien Lyonel Trouillot fait résonner avec force deux voix dissonantes. L’une, celle du Capitaine, habitant du quartier pauvre de Morne Dédé à Port-au-Prince, est portée par la rage des souvenirs, et les colères anciennes toujours vives. L’autre, celle d’Aude, habitante de Montagne Noire, descendante d’une famille blanche et riche, trouve sa force et sa lucidité sous le regard et les mots acerbes du Capitaine. Les deux voix, distinguées dans le roman par des italiques pour le Capitaine, se nourrissent l’une de l’autre. Avec habileté, elles tissent ensemble un récit aux allures de roman policier, hanté par la violence et l’absence, animé par une splendide langue ciselée.

Jeanne Bacharach
Par Jeanne Bacharach
14 sept. 2018 | Lecture : 5 min.

« Ne m’appelle pas Capitaine. N’en déplaise aux poètes, mes chagrins jamais n’ont eu le pied marin. » Le dernier roman de Lyonel Trouillot s’ouvre sur cet appel à une absente, cet impératif qui donne le la, dans lequel on entend la rage d’une voix insistante et la colère d’un «presque cri» persistant jusqu’à la fin. Y résonne aussi la voix de l’autre, l’interlocutrice présente mais interdite, soumise à la violence des mots du Capitaine. La première phrase du roman, reprise dans le titre, souligne le dialogue au présent impossible, la discuss

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