Poésie

Le Cri d'un enfant des rues

Je suis né Bride sur cou Par un temps de chien Peut-être au mois d'août Sous un gros serein Dans la moiteur de cet égoût Je n'eus même pas la force de pleurer C'était maman qui esseulée Acculée par une société bourrée de préjugés M'abandonna là Au bon soin des rats Je suis né endeuillé Car sept jours plus tôt en cet été Papa avait péri Suffoqué tandis qu'il rit De la bétise des biens pensants pauvres crétins Digne vertical il partit serein Enfant du désespoir Je suis donc sans histoire Mon présent de cafard gomme mon passé D'avance mon futur est tout tracé Je suis l'enfant mal né Qu'à bras ouverts les rues attendent Pour une vie dans la crasse Et un vain combat contre la poisse Je suis un enfant des rues Je raffole de la rue Avec toutes ses quantités de couleurs Et d'énivrantes odeurs Dans la rue on n'est pas là On ne te connaît ni en blanc ni en nwa Je lui suis très reconnaissant la rue De m'offrir de ses poubelles le festin Même si mon grand-goût n'a jamais de fin Je partage avec les chiens errants mes amis La nuit elle me met à l'abri dans ses galeries Mais la rue n'est pas sans dangers Y a des caïds de ma tribu Qui me rançonnent Y a de soi-disant gens de bien qui cautionnent Les mafieux qui me livrent à la pédophilie - Trafic d'organes oblige- à la charcuterie Y a aussi le cycle des vautours Le temps des rafles sans retour Exécutées par on ne sait quels archanges Grand ordonnateur d'un bail- à terre-blanche Pour une solution finale à l'infini Je suis un enfant des rues Je porte sur le visage l'empreinte indélébile D'un éternel vingt-juin-quatre-avril Au diable tout-six-juin-jour-national-de-l'enfant Méprisé martyrisé Humilié par une société sans coeur Dont je suis le souffre-douleur sans voix L'école n'est pas faite pour moi L'enfant des rues que je suis Est de tout partout c'est fatal Il n'a pas de nation pas même un pays Donc pas de jour national Six juin c'est un très bel exemple d'hypocrisie Je suis un enfant des rues Haillonneux presque nu Cet enfant de personne Qui assure-t-on ne cartonne Que bétises et malheurs Celui pour qui bon coeur n'est que leurre Je suis sans devant sans derrière un vrai zombie Courant à gauche à droite après le sel Mais heureux de n'être pas un restavek bien nourri Les malparlants qui ne font pas de cadeau Me mettent tous les mauvais coups sur le dos Casseur d'auto pickpocket Maître-d'armes-en -racket Détestable chien gâleux Un organe social cancéreux Bon pour l'ablation en final A confier aux matons du Fort-National Je suis un enfant des rues J'enfourche la vie à cru Mais la vie n'est pas douce pour ce cavalier Monture rétive il n'arrive à le faire marcher Ni au trot Ni au galop La vie de vache-chien-enragé C'est le lot de l'enfant des rues ce damné Qui bat à tout rompre son locobé pour survivre Alors ce sont petits boulots prostitution Mendicité débrouillardise c'est selon Je suis un enfant des rues Né par un temps de chien Je vis une vie de chien galeux La chienne de vie d'un gosse-gueux Coco-rate ils appellent l'enfant des rues Parce que dans leurs nez de beau monde il pue Je suis l'un de ces milliers petits sans famille Qui dans les rues fourmillent Purs produits honteux d'une société de personnes Qui d'office leur donne un statut de non personne Pour eux tout timoun pa timoun .

Le Nouvelliste
Par Le Nouvelliste
03 mars 2005 | Lecture : 3 min.
Je suis né Bride sur cou Par un temps de chien Peut-être au mois d'août Sous un gros serein Dans la moiteur de cet égoût Je n'eus même pas la force de pleurer C'était maman qui esseulée Acculée par une société bourrée de préjugés M'abandonna là Au bon soin des rats Je suis né endeuillé Car sept jours plus tôt en cet été Papa avait péri Suffoqué tandis qu'il rit De la bétise des biens pensants pauvres crétins Digne vertical il partit serein Enfant du désespoir Je suis donc sans histoire Mon présent de cafard gomme mon passé
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