Lettre à un ami poète

Par Frantz Benjamin Ami poète sur une note légère le jour a ouvert grandement ses barreaux pour abriter ces mots Ma plume chauve jouant au battant s'appuie sur la porte grise du matin qui tarde qui peine à se réveiller Trois soleils se sont tus une nuit de février alors que tes mots crevaient les os jusqu'aux arêtes dans la laideur de nos cents pas Trois soleils se sont tus je cherche encore au milieu des notes barbares ton ombre adultère Par ces temps d'épine et de poignard où mon ciel gît sous la minuscule fenêtre d'une ardoise brisée perché sur la butte de mon pays autrefois Charrier autrefois Vertières j'empile les mots en dalles Battant les ténèbres un matin de Mars une voix s'élève Mon pays ne veut pas mourir Mon pays ne peut pas mourir Les portes de Port-au-Prince sont clouées aux balles je devine à peine les sanglots étouffés de ma patrie Les rues de Port-au-Prince grimpent une à une à mes entrailles assassinant mon enfance mon quartier mes amis Bel Air les poings serrés s'endort sous la jupe des putains macérées au suif et au vinaigre Promeneuse aux gris-gris dans la nuit faucheuse quel est donc ce vent qui brûle la symétrie de l'homme au destin d'argile? Quel est donc ce vent qui trempe sa soif dans mon sang d'octobre? Ma ruelle de Yes sir s'étale de Pont-Sondé à Bois-de-chêne Ma ruelle de Yes sir alambiquée aux pépites des promesses compte ses heures au rythme des transferts de Broadway Ami poète de regretté mémoire je verse trois gouttes hérétiques sur ta ville engloutie dans le sang Ta ville que voici Mon pays que voilà gisant entre la Seine et le Mississippi Vous qui éteignez votre regard sous ma fenêtre de migrant Vous qui buvez mon soleil par moins trente sous zéro Dites à ma fille Dites à ma mère Que j'avais une ville Que j'avais un pays .

Frantz Benjamin
Par Frantz Benjamin
03 févr. 2005 | Lecture : 2 min.
Par Frantz Benjamin Ami poète sur une note légère le jour a ouvert grandement ses barreaux pour abriter ces mots Ma plume chauve jouant au battant s'appuie sur la porte grise du matin qui tarde qui peine à se réveiller Trois soleils se sont tus une nuit de février alors que tes mots crevaient les os jusqu'aux arêtes dans la laideur de nos cents pas Trois soleils se sont tus je cherche encore au milieu des notes barbares ton ombre adultère Par ces temps d'épine et de poignard où mon ciel gît sous la minuscule fenêtre
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